.
II. LES IMPACTS DU TOURISME SUR LA SOCIETE MAROCAINE
Introduction :
Le tourisme occupe une place importante
au cœur de beaucoup de pays. Comme vu précédemment, son
influence est omniprésente au cœur de l’économie nationale, mais les touristes
sont aussi responsables d’un grand nombre de modifications percevables au sein
de la société. En effet, l’arrivée de personnes extérieures au pays n’ayant pas
la même culture ou des modes de vie différents joue un rôle essentiel sur
l’évolution de la population locale.
Ainsi, au Maroc, ce phénomène est plus
que perceptible. Quels sont les impacts
du tourisme sur la société marocaine?
Nous verrons donc que l’arrivée massive
du tourisme extérieur au Maroc a malheureusement eu des conséquences néfastes
sur une partie de la population mais elle en a aussi fait bénéficier une autre
de nombreux avantages.
A) Les inconvénients de l’afflux touristique
L’arrivée massive de touristes au Maroc donne en partie lieu à des conséquences néfastes. La population marocaine est parfois victime du tourisme dans le sens où elle doit subir la construction de nombreuses infrastructures et ensembles immobiliers « sauvages » (exemple : bidonvilles) auxquels les populations doivent se contraindre. Le tourisme provoque aussi un bouleversement des mœurs de la société qui découle de la rencontre de cultures différentes parfois même contradictoires, et du comportement irrévérencieux adopté par un grand nombre de touristes.
1. la
répercussion de la construction d’infrastructures touristiques sur la
population marocaine
a) La désertification des campagnes
Le
Maroc est devenu une destination touristique très prisée. Plus moderne, plus
attrayant, il attire beaucoup de clients. L’arrivée progressive de milliers de
touristes depuis la fin du XXème siècle a donc incité les responsables
marocains, privés comme publics, faire le nécessaire pour accueillir cette
nouvelle population. Ainsi, le pays a du agrandir ses villes principales
(Agadir, Marrakech, Casablanca, Rabat…) et construire de nombreux complexes hôteliers et Riads. Cela a eu plusieurs
répercutions sur la population urbaine. En effet, certaines habitations
citadines ont été détruites au profit de la construction de complexes hôteliers
mais aussi de centres commerciaux, parking, autoroutes… certes, une partie de
la population a pu bénéficier de nouveaux logements, mais de nombreux
marocains, souvent modestes, expulsés de leur résidence, se sont retrouvés
amassés dans des bidonvilles. Aussi, l’exode rural que connaît le Maroc a lui
aussi amplifier la population des bidonvilles (bien qu’actuellement, cette
migration soit en baisse). En effet, la modernisation du pays et surtout des
zones urbaines n’attirent pas que les touristes ; les ruraux eux aussi se
précipitent vers ces villes. Pourquoi cet exode ? Parce que les paysans
sont confrontés à de grandes difficultés de développement dans les campagnes en
raison d’un accès très limité à l’eau, l’agriculture étant le seul moyen de
développement dans ces régions et le manque d’eau ne permettant pas une bonne
gestion des terres. Dans certains villages, la problématique de l’eau est même
plus importante puisqu’elle n’est parfois pas accessible aux habitants les
puits étant souvent situés loin des
lieux de résidence (l’eau courante n’ayant pas sa place dans des villages si
isolés).
Excentrées,
mal desservies tant au niveau routier (transports en communs, voies de
circulation…) qu’au niveau de la télécommunication (internet…), les campagnes
ne permettent pas aux ruraux de vivre décemment. Espérant trouver une vie
meilleure, ces derniers migrent alors vers les villes qui se modernisent grâce
aux infrastructures touristiques. La population rurale diminue augmentant ainsi la population urbaine.
Tableau 1: Source: Haut Commissariat au
Plan (HCP)
L’Etat
marocain est bien conscient de ce problème et tente de mettre en place diverses
stratégies pour le résoudre. Ainsi, depuis quelques années, une politique de
lutte contre la désertification des campagnes a été mise en place, car une des
solutions pour mettre fin à ce fléau serait que les populations rurales
apprennent à se développer autrement, en restant dans leurs villages.
Mais trouver des solutions
est une chose, les appliquer en est une autre. Ainsi, à la création d’infrastructures
pour recevoir la population des bidonvilles s’ajoutent la construction de
centres médicaux et éducatifs. Sans oublier que l’Etat doit aussi agir pour
l’accueil des touristes. Se pose donc un problème financier mais aussi spatial,
le territoire n’étant pas infini et la population grandissante.
Photo 1: des bidonvilles au Maroc
L’agrandissement
des zones urbaines empiètent donc sur les zones rurales, réduisant les espaces
d’exploitation agricoles et obligeant alors les populations rurales à intégrer
les villes. Le Maroc fait donc face à un véritable cercle vicieux. La
population locale en empathie donc, surtout au niveau de l’intégration sociale
et de l’accès au soin et à l’éducation. Le rapport de 2007 de l’Unicef est
d’ailleurs alarmant sur ce sujet, avec au Maroc 5% des enfants de moins de 5
ans qui meurent chaque année.
Un
autre point pose problème aux autorités: le partage des ressources en eau et en
énergie. Déjà accablant dans les campagnes, l’eau n’étant pas assez présente
comme dit précédemment, il s’agit aussi de la partager avec les infrastructures
touristiques. Malheureusement, cette répartition est très inégale et ce sont
les complexes hôteliers qui sont majoritairement avantagés. Par exemple les terrains
de golf, assez nombreux, nécessitent un arrosage abondant et ces derniers sont
parfois bien plus favorisés que la population nécessiteuse… Il en va de même
pour les piscines des hôtels, des palaces et des riads. En effet, cela
constitue un avantage touristique important pour le Maroc et ce n’est donc pas
négligeable. L’eau est donc une denrée rare, couteuse et prisée de tous qui
pose problème dans ce pays et même dans le monde entier.
Photo 2: un golf au Maroc
Photo 3: grand hôtel marocain
b) l’inflation
L’arrivée des touristes a aussi favorisé une augmentation des prix. Leurs moyens financiers étant généralement plus élevés que ceux des locaux, les commerçants ont augmenté leurs prix au détriment de la population locale qui ne bénéficie pas des mêmes revenus. En effet, en France, le salaire net mensuel s’élève à environ 1500 euros alors qu’au Maroc il se situe à moins de 2000 dirhams soit environ 200 euros. L’écart est donc très important ce qui justifie la différence de moyens financiers et les difficultés d’adaptation des marocains à ces nouveaux prix. De plus, l’Indice du coût de la vie (ICV) des produits alimentaires a connu une hausse de 6,8 % en 2008, tirant l’inflation annuelle à un taux de 3,9%. En une année, le panier de la ménagère marocaine a subi une forte pression des prix…
Mais
le secteur le plus touché par l’inflation est sans doute celui de l’immobilier.
En effet le
prix de l’immobilier au Maroc a connu au cours des dernières années une hausse
vertigineuse. La classe moyenne se plaint de cette envolée qui a un impact
négatif sur son pouvoir d’achat.
Selon le promoteur immobilier Hicham
Slimani : "Les prix sont chers,
variant entre 10 000 dirhams et 20 000
dirhams le mètre carré, selon les quartiers des grandes villes",
indique-t-il, soulignant que les prix sont "hors de portée des
citoyens".
Abdessalam El Mesbahi, Secrétaire
d'Etat chargé du Développement Territorial, indique que c’est la spéculation
croissante que connaît ce secteur ainsi que l'augmentation du nombre des
projets dans les domaines de l'habitat et du tourisme qui ont engendré cette
hausse. Il explique que ce phénomène a entraîné une régression de l'offre par
rapport à la demande.
Les Marocains attendent avec une grande
impatience l’intervention de l’Etat pour créer un équilibre entre les revenus
et les prix pratiqués. Salheddine Ibrahimi, directeur d'une école, explique
qu'il travaille en vain depuis quatre ans pour acheter un appartement dans le
centre de Rabat. "Mon revenu et mon
épargne sont en dessous des prix pratiqués. Chaque année, les prix augmentent
considérablement. J’ai décidé de rester locataire jusqu’à ce que l’Etat stoppe
cette envolée anormale", affirme-t-il.
Photo 4: Le douar Aïn Chbik de Meknès
L’arrivée
massive des touristes qui a engendré une augmentation du coût de la vie est
donc aussi à l’origine de ce bond des prix de l’immobilier notamment par le
biais des constructions touristiques.
La société marocaine moyenne est donc
profondément touchée par cela, ne pouvant plus bénéficier du logement et des
denrées alimentaires qu’elle désire, ses revenus ne le lui permettant pas.
2. Des mœurs bouleversées
a) L’immigration
clandestine et la folklorisation de la société marocaine
L’arrivée
massive des touristes au Maroc est en lien étroit avec l’influence de la mondialisation sur la société
marocaine. Bien qu’ayant permis un certain nombre d’avancées positives pour le
pays, ce phénomène a aussi eu quelques impacts négatifs.
En effet, cela a créé des
tensions essentiellement religieuses, ethniques, politiques et culturelles dues
aux disparités entre l’Occident et le monde arabe. Les réactions sont
contrastées. On trouve d’un côté une attirance de la société marocaine pour la
culture et le modèle occidental, en lequel ils voient un réel moyen
d’épanouissement social. Ainsi, les marocains sont nombreux à vouloir
l’approcher et cela se fait d’une part par l’émigration, d’où une augmentation du taux de l’émigration
clandestine (fautes de moyens, ils ne peuvent rejoindre les côtes européennes
que par l’illégalité). Les émigrants clandestins sont essentiellement des
jeunes et des femmes à la recherche de plus de libertés et d’un avenir plus
prometteur, ne pouvant pas tous accéder à l’Europe par le biais des études
supérieures comme le fond une majorité d’étudiants marocains. Cependant, le
pays enregistre une baisse de 65% de l’émigration clandestine grâce à un
renforcement du contrôle aux frontières. Mais cette diminution de traduit pas
forcément une baisse de la volonté des marocains à atteindre les côtes
espagnoles…
D’autre part, le système culturel du Maroc tant de plus en plus à s’inspirer du modèle européen. Un phénomène de perte de la culture de base s’observe donc et cela est fortement critiqué par les islamistes du pays qui refusent l’impérialisme culturel de l’occident. Ce nouveau modèle pose aussi un problème pour la religion puisqu’il tend à la laïcité, très peu rependue au Maroc mais qui voit de plus en plus le jour.
Photo 5: Coca-Cola traduit en langue
arabe: symbole de l'américanisation
Enfin
et malheureusement, certains touristes ne respectent pas la culture marocaine
et imposent la leur. « Au mieux,
l’autochtone s’adapte pour en tirer profit ; au pire, il est lui-même
instrumentalisé par d’autres intérêts, comme ces « peuplades
indigènes » parquées, que l’on visite, appareil photo en bandoulière,
comme l’on visite un zoo. » (Mohamed Rifki)
- Une érosion
culturelle
Le tourisme associé à la marchandisation entraîne des
transformations des cultures locales notamment des rituels religieux, des rites
ethniques traditionnels, des manifestations coutumières et des festivals :
ils sont souvent folklorisés.
Il en résulte une
appartenance ethnique reconstruite, caractérisée par des changements de valeurs
culturelles.
Les touristes désirent
souvent retrouver des éléments reconnaissables de leur propre culture pour se
sentir à la fois « chez soi » et « ailleurs » : la standardisation touche ainsi les
équipements, les logements, la nourriture…
Les manifestations culturelles perdent aussi de
leur authenticité lorsqu’elle s’adapte au goût et aux plaisirs momentanés des
touristes: «la
culture se réduit ainsi, pour beaucoup de touristes, aux chants et aux danses, au
costume local et à l’artisanat, dans l’ignorance complète des idées, des
valeurs, des systèmes
de croyance ou des systèmes de parenté des peuples concernés. La culture
indigène est ainsi dévaluée,
les stéréotypes renforcés et perpétués.» (Survival
internationale, 1999, Tourisme et peuples indigènes, un nouvel impérialisme)
- Un choc des cultures
Le tourisme entraîne souvent une rencontre entre
des champs socioculturels très éloignés.
Ces limites, lorsqu’elles sont dépassées, peuvent
entraîner des incompréhensions profondes, des intolérances, qui dégradent la
relation interculturelle.
Des déséquilibres économiques peuvent aussi se manifester
durant ces rencontres. Lorsque des locaux veulent imiter le style et le niveau
de vie des étrangers qui viennent visiter leur territoire, les dépenses
excessives peuvent mettre les familles dans des situations difficiles et les
risques de tensions sociales s’amplifient. Certains comportements des touristes
(habillement, consommation d’alcool), qui ne respectent pas les normes
sociales, culturelles et religieuses du pays, peuvent créer des ressentiments
chez certains locaux et provoquer des réactions hostiles (extrémisme).
Photo 6: l'influence excessive de la
mondialisation au Maroc
Toutefois,
si la société marocaine, durant ces cinquante dernières années, a pu réussir le
pari de conserver les éléments essentiels de son patrimoine, notamment dans le
domaine de l’art et de la littérature, elle n'est malheureusement pas parvenue à
faire de même pour le patrimoine matériel, surtout en matière d’architecture (par
exemple, la reconstruction de la ville d’Agadir après le tremblement de terre
de février 1960). Ces formes de richesse ont du souffrir d’actes de folklorisation, de démolition et de dégradation faute
d’opérations fréquentes d'entretien et de restauration et à cause du manque
d’une politique claire de conservation et de documentation.
Le patrimoine culturel
marocain est donc en danger en raison du rythme accéléré de l’urbanisation, de la
mondialisation et de l'unification des modèles culturelles sur les cultures
nationales qui constituent une menace éminente.
Il
n’y a pas d’électricité à Bougraa mais presque chaque
maison possède une télévision alimentée par une batterie. On les
recharge chaque semaine. Le temps de chargement est de 48 heures, cela coûte 8
dirhams, soit environ 80 centimes d’euros.
b) détérioration
de la situation sociale
Malheureusement,
avec l’arrivée des touristes et le bouleversement de la société, le Maroc est
de plus en plus victime d’activités illicites.
Ainsi le trafic de drogues
(cannabis) et le marché noir se développent massivement dans ce pays. Ils
représentent même une source de revenus importante pour le Maroc, bien
qu’illégale. Peut-être est-ce pour cela que le gouvernement ferme en grande
partie les yeux sur ce phénomène ? En tout cas, les autorités semblent ne
pas agir efficacement face à cela, comme le montre cette vidéo de l’émission
Enquête Exclusive : http://www.dailymotion.com/video/x6r44w_enquete-exclusive-nador-maroc-le-de_news
Le Maroc a donc une économie
souterraine développée, entretenue par la venue de touristes étrangers qui la
convoitent et en tirent profit. Aussi, la drogue est à portée de mains des
marocains et touchent malheureusement une grande partie de la jeunesse
marocaine et des zones de grande pauvreté.
Mais
le fléau le plus dramatique et le plus présent au Maroc reste le tourisme sexuel. De plus en plus
dénoncé, cette forme de tourisme tend à se faire connaître du monde entier et
des mesures pour le combattre voient enfin le jour.
Le tourisme sexuel touche principalement
les mineurs et mêmes les très jeunes enfants, mais aussi les jeunes hommes et
les jeunes femmes. L’homosexualité se développe dans ce pays qui est pourtant majoritairement musulman. Ce
« commerce » se développe essentiellement dans les grandes villes
(Marrakech, avenues et boîtes de nuit d’Agadir, Casablanca…) où l’on retrouve
une part de misère importante (bidonvilles) car la cause principale de ce fléau
est la pauvreté. Ces jeunes gens sont parfois enrôlés de force mais ils se
portent souvent volontaires car gagner sa vie est si difficile pour les personnes
en situation de précarité, que l’exercice de la prostitution, de la vente de
drogues ou de travaux plus « honorables » tel que chauffeur de taxis,
permettent d’acquérir des rémunérations plus intéressantes que dans le cadre
d’un travail légal, « normal ». Bien que certains jeunes bradent leur
corps dans le cadre de la prostitution pour 50 dirhams, d’autres sont parfois
payés plus de 300. Atteindre les 2000 dirhams, c’est-a-dire le salaire minimum
d’un marocain, est alors presque facile. Aussi, certains marocains de la classe
moyenne touche à la prostitution pour arrondir leur fin de mois.
Les
clients de ces jeunes sont majoritairement des étrangers, le tourisme
favorisant donc le développement de ce « marché ». Le Maroc est
parfois même appelé « paradis sexuel » tant il est facile de profiter
de la prostitution et de l’exotisme, très recherché dans ce domaine, que le
pays offre aisément.
Toutes ces pratiques
relevant malheureusement encore du tabou, il n’existe pas de chiffres exacts
concernant ce commerce. Cependant, des reportages comme celui proposé ci-contre
(Enquêtes Exclusives) permettent de se rendre compte de l’étendu du fléau.
http://www.babrio.com/la-pedophilie-au-maroc-enquete-exclusive,339.html
Bien que ce tourisme soit extrêmement
développé, il n’existe pas de réseau de prostitution à ce jour. Certains
touristes voyagent dans le but même d’assouvir leurs besoins charnels, tandis
que d’autres se laissent tenter sur place. En effet, les proxénètes sont
nombreux et tentent, sans embarras, de
séduire les voyageurs (cf. le reportage)
Le tourisme sexuel au Maroc n’est
pourtant pas une affaire ressente. Déjà, dans les années 1930-1940, Tanger
était connue pour être une destination très prisée par la communauté Gay. Au
lendemain de l’indépendance du Maroc, et à partir des années 60, ce sont
surtout les touristes sexuels espagnols qui fréquentaient la ville. Il faudra
attendre les années 70-80 pour que ce phénomène prennent de l’ampleur. Ainsi
Marrakech et Agadir sont devenus les destinations favorites des touristes
sexuels français, allemands et scandinaves. La demande créant l’offre, c’est
comme cela que certains jeunes ont commencé à se vendre volontairement. Durant
les mêmes années, après l’éclatement de la guerre au Liban, une nouvelle « race »
de touristes sexuels va s’intéresser au Maroc. Riches grâce au pétrole, les
Moyen-orientaux affluent en masse essentiellement vers Casablanca où ils
trouvent une offre généreuse de femmes jeunes, belles, arabes. Le même
phénomène aura lieu dans les années 90 avec l’afflux de jeunes algériens mais
il cessera en 1994, à la fermeture des frontières entre les deux pays. Cette
date coïncide avec la fin de la guerre au Liban et la diminution du nombre de
touristes arabes.
Entre temps, le Maroc a lancé son plan
« Vision 2010 » ayant pour objectif d’atteindre 10 millions de
touristes par an, ce qui implique donc en contre partie une plus grande
affluence de touristes sexuels occidentaux. Aussi, le Tsunami en décembre 2004
ravagea la Thaïlande, les Philipines et le Sri Lanka, destinations en vogue au sein du tourisme sexuel, faisant alors du Maroc une destination très prisée.
De plus, près
d’ 1/4 des prostitués n’exigent pas le port du préservatif. Ainsi, le sida et
les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) se propagent de plus en plus
au Maroc, touchant toute la société marocaine. Un manque d’information au sujet
de la contraception est majoritairement à l’origine de cette imprudence. Aussi,
certains clients ne souhaitent pas se soumettre au port du préservatif et
refusent alors les services des prostituées ou leur offre un supplément si
elles acceptent de ne pas en utiliser… A ce sujet, l’étude du Ministère de la Santé marocain souligne que 36,6% des femmes acceptent d'avoir un rapport sexuel avec un client même sans préservatif et 46,3% sont consentantes à condition de recevoir une somme d'argent plus importante. Et pourtant, la majorité de ces femmes connaissent le sida. Au sujet de la connaissance d'IST, 85% n'ont aucune idée sur l'Hépatite virale et 51,4% ne connaissent pas la Syphilis.
L'étude indique qu'en cas d'IST, seulement 32,6% des travailleuses du sexe se rendent dans un centre de santé ou un hôpital. 17,1% de ces femmes préfèrent demander conseil dans des associations. Elles ne sont que 18% à décider d'arrêter toute activité sexuelle jusqu'à la disparition des symptômes.
A la question de savoir si
l’utilisation correcte du préservatif est un moyen efficace pour empêcher le
sida, 73,6% ont répondu favorablement. Mais un grand nombre de ces femmes
ignorent encore les modes de transmission du VIH. Et pour preuve, 216
travailleuses du sexe pensent qu’elles peuvent être infectées par le VIH en
partageant un repas avec une personne contaminée.
Un grand
nombre de solutions sont attendues et commencent à être mise en place
aujourd’hui. Cela passe par une plus ample information par les médias sur le
sujet, une sensibilisation des touristes et des associations telle que « Touche pas à mon enfant » ou AMDH
(Association Marocaine des Droits de l’Homme). Elles jouent un rôle essentiel
dans cette lutte contre le tourisme sexuel. Des manifestations de plus en plus
fréquentes regroupant hommes, femmes et jeunes ont lieu aujourd’hui au Maroc,
ce qui était encore inconcevable il y a quelques années.
Photo 7: campagne publicitaire contre
la prostitution des enfants
Enfin, les
études de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) prouvent que le
recours au travail des enfants est fréquent dans le
secteur touristique, avec des conditions très précaires: emplois instables,
salaires minimes, peu de formation…
Au Maroc, plus d’un million et demi
d’enfants en âge d’être scolarisés sont privés de leurs droits à l’éducation.
Mais des progrès ont été accomplis grâce à la mobilisation du gouvernement
marocain. Quelques chiffres en témoignent: en 1998-1999, 73,5% des enfants
étaient scolarisés ; ils étaient 84, 6% en 2000-2001 puis 92,17% en
2003-2004. Cependant, des résistances subsistent. Beaucoup de parents ne sont
pas convaincus de l’utilité de scolariser leurs enfants, en particulier leurs
filles. La plupart des enfants non scolarisés sont menacés d’exploitation
économique, à travers les tâches qui leurs sont confiées dans l’artisanat, dans
l’agriculture, dans des conditions qui ne sont pas toujours satisfaisantes pour
leur santé et pour leur équilibre psychologique. On estime à plus de 600 000 le
nombre d’enfants de moins de 15 ans qui travaillent. 80% d’entre eux vivent en
milieu rural.
Le nouveau code du travail
élève de 12 à 15 ans l’âge légal du travail : des sanctions menacent les
employeurs qui ne s’y plient pas. L’Unicef développe des actions en milieu
rural et urbain pour limiter le travail des enfants.
Photo 8: la misère et le travail des
enfants marocains
Le
Maroc est donc un pays ou le tourisme a une influence considérable. L’arrivée
massive de touriste est donc en grande partie responsable de la désertification
des campagnes et de l’augmentation des prix, amenant un développement accru des
bidonvilles où tentent de survivre une partie conséquente de la population
marocaine qui n’a pas la possibilité de s’adapter à la vie moderne.
En
découle un bouleversement de la société dont profitent les touristes
développant ainsi le trafic de drogue, la petite criminalité et surtout le
tourisme sexuel en lequel de nombreux marocains de tous niveaux sociaux
trouvent un moyen de financement malheureusement non négligeable pour les plus
miséreux.
Tourisme sexuel,
folklorisation de la société, émigration clandestine… le tourisme semble avoir
un impact néfaste sur la société marocaine. Heureusement, il est aussi à
l’origine de nombreux avantages et avancées pour le pays qui sont loin d’être
négligeables.
B) Les avantages du tourisme externe sur la
société marocaine
L’afflux de touristes a aussi permis au
Maroc un réel essor économique et social. La population est plus active et le
pays s’ouvre sur le monde grâce à une modernisation sociale rapide.
- L’indicateur de Développement Humain du Maroc
Les chiffres
parlent d’eux-mêmes ; les statistiques du Maroc concernant la population
ne font que progresser.
Ainsi, l’Indicateur de Développement
Humain au Maroc était de 0,642 en 2004, selon le rapport national
de développement humain de 2005 réalisé par le Haut-commissariat au plan en
partenariat avec le programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
En 1975, il n’était que de 0.429. Par comparaison, en 2004, l’IDH de la France, pays développé, était de 0.952 et celui de la Somalie, pays sous-développé, d'environ 0.200
L'IDH, variant
entre 0 et 1, est calculé par la moyenne de trois indices mesurant :
- La santé /longévité
(mesurées par l'espérance de vie à la naissance), qui permet de
mesurer indirectement la satisfaction des besoins essentiels tels que l'accès à une alimentation saine, à l'eau potable, à un logement
décent, à une bonne hygiène et aux soins médicaux.
- Le niveau
d'éducation. Il est mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux de
scolarisation.
Au Maroc, en 2006, le taux
d’analphabétisation était de 40%, il a donc reculé de 8% en 7 ans.
En 2006, le taux d’alphabétisation au
Maroc était de 52%, en France de 99% et en Somalie de 25.8%.
- Le niveau de vie,
afin d'englober les éléments de la qualité de vie qui ne sont pas pris en
compte par les deux premiers indices tels que la mobilité ou l'accès à la
culture.
Ainsi, on
observe que tous ces chiffres ont augmentés, résultant d’un IDH plus élevé.
L’arrivée de touristes au Maroc
s’effectuant de plus en plus massivement depuis les années 90, est un des
principaux facteurs de ces évolutions.
- Modernisation du système sociale
a) Le
rôle important de la relance de l’emploi et de l’éducation
L’arrivée
massive de touristes au Maroc a impliqué la construction de nombreux complexes
hôteliers et autres lieux d’accueil. Il
a donc fallu trouver un grand nombre d’employés pour satisfaire la demande
touristique. Les universités se sont donc multipliées et ont ajouté à leur
système éducatif des circuits de formation aux métiers du tourisme. Les centres
de formation dans le même secteur se sont aussi multipliés.
Les familles marocaines scolarisent ainsi
de plus en plus leurs enfants, afin de leur assurer un avenir sur. Aussi, la
venue des touristes étrangers et la vue du niveau de vie et de la vie
occidentale donnent envie aux marocains qui envisagent alors de grandes études
pour pouvoir partir à l’étranger et réussir « à l’occidentale ».
Photo 9: des étudiants marocains
La
multiplication d’universités a été permise par la forte hausse de l’offre
d’emplois que le pays a connu au lendemain du début de la vague touristique. En
parallèle des emplois directs, c’est-à-dire les emplois directement liés au
tourisme (exemples : métiers de la restauration, agences de voyages…) les emplois
indirects (exemples : transports, métiers du bâtiment, commerce…) se sont eux
aussi multipliés. Les marocains ont donc eu accès à des circuits d’études et à
de nouveaux emplois ce qui a permis aux jeunes d’avoir une éducation scolaire
poussée et la chance d’accéder à des métiers qualifiés.
Peut-on
alors dire que le taux de pauvreté baisse actuellement au Maroc ? Les avis
sont différents et même contradictoires. Certains disent que par la création
d’emplois, la pauvreté diminue activement, mais d’autres soutiennent que le
taux de pauvreté au Maroc augmente du fait que les hôtels sont nombreux à
préférer employer des occidentaux car ils les jugent plus qualifiés. Ainsi,
démunis, ceux qui ont échoué se retrouvent dans les bidonvilles, augmentant la
misère des grandes villes marocaines. Il est cependant vrai que le système
éducatif se diversifie et que l’offre d’emploi est plus importante.
« Selon
une vaste enquête portant sur le développement au Maroc, le taux de pauvreté
s’est sérieusement aggravé depuis 10 ans, malgré un léger refoulement en 2001.
Plus de 5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, parmi une
population totale de plus de trente millions. Dans les campagnes, c’est une
personne sur quatre qui est vulnérable. » (Lundi 3
juillet 2006 par Pierre Beaudet). « Le taux de pauvreté au Maroc a enregistré
une baisse entre 1994 et 2004 passant ainsi de 16,5% à 14,2% et ce grâce à
l'évolution générale des conditions de vie de la population.
C’est
ce qu’a annoncé mardi 4 octobre, le Haut commissaire au Plan, lors d'un point
de presse donné, à Rabat, pour la présentation des principaux résultats
démographiques et socio-économiques du recensement général de la population et
de l'habitat (RGPH-2004).
Le Haut commissaire au Plan a précisé que cette baisse du taux de pauvreté a
été plus accentué en milieu urbain qu'en milieu rural puisque ce taux, a-t-il
dit, malgré son niveau relativement bas en milieu urbain, a perdu 2,5 points,
contre seulement un point en milieu rural. Il a fait remarquer que selon ces
premiers résultats, bien que le taux de pauvreté au Maroc ait connu cette
baisse il demeure nécessaire d'accomplir plus d'effort pour contrecarrer le
déficit en matière du développement humain. » (Source :
L'Economiste-MAP)
b) la
condition de la femme
L’arrivée
de touristes occidentaux a permis aux marocains d’entrevoir une autre culture
et une conception de la condition de la femme et de la famille différente.
Ainsi, la place de la femme au sein du pays et de la famille évolue d’année en
année, se rapprochant de plus en plus du modèle occidental, que les marocains
côtoient au travers des touristes. C’est surtout en 2004 que la condition
féminine a été bouleversée car Mohamed IV a réformé la Moudawana (lois qui dictent les règles du comportement des femmes). Ainsi, la polygamie est aujourd'hui soumise à des critères draconiens, la famille est placée sous la responsabilité du père et de la mère, le divorce est autorisé pour les deux sexes, les femmes ne sont plus obligées d'accepter un mariage qui ne découlerait pas d'un choix personnel. Ces réformes ont été fortement réclamées quelques années auparavant dans une pétition de l'Union pour l'Action Féminine qui a récolté, au grand étonnement de chacun, plus d'un million de signatures. Cette pétition a été condamnée par les islamistes qui accusaient les féministes d'être des "complices de l'Occident". Cette formulation montre bien l'influence de l'Europe sur la nouvelle condition de la femme au Maroc.
Photo 10: des femmes actives
marocaines
Par ces réformes, Mohamed IV a souhaité
intégrer les femmes au développement du pays. "Comment espérer assurer progrès et prospérité à
une société alors que ses femmes, qui en constituent la moitié, voient leurs
droits bafoués et pâtissent d'injustice, de violence et de marginalisation, au
mépris du droit à la dignité et à l'équité que leur confère notre sainte
religion ?" (Extrait du
discours du 10 octobre 2003 de Sa Majesté à l’ouverture de la session
parlementaire). De fait, les jeunes filles sont de plus en plus scolarisées et
les femmes prennent plus part à la vie active.
Elles sont
donc de plus en plus libres, mais il faut encore pouvoir se donner les moyens
d’appliquer réellement ces nouvelles réformes. Informer la population, et
surtout les femmes de leurs nouveaux droits, intégrer ces changements dans les
mœurs, créer des tribunaux spécialisés etc. … La liberté de la femme est en
bonne voie mais elle demeure encore restreinte.
Photo 11: des femmes marocaines
"traditionnelles"
3) Le
désenclavement des zones rurales
Le
tourisme n’a pas touché que les littoraux et les grandes villes marocaines.
L’arrière pays est aussi mis en valeur par les organisations marocaines, afin
de montrer aux touristes le « vrai
Maroc ».
Photo 12: des touristes pratiquant le
"trekking"
Grâce
à des formes de tourisme comme le trekking
ou le tourisme solidaire, les
zones rurales font parties des circuits
touristiques, ce qui permet de mettre en avant les traditions et les activités
locales (parfois trop, comme vu précédemment) et d’en faire un nouvel atout de
développement socio-économique. Les touristes et les autochtones, très
hospitaliers, se rencontrent plus naturellement ce qui leur permet de créer des
liens et de sortir les populations rurales de l’isolement.
Aussi,
la restauration des monuments historiques a joué dans la mise en activité de
l’arrière pays car les petits artisans peuvent ainsi faire étalage de leurs
marchandises locales aux abords des sites touristiques.
Tout
cela a donc permis le désenclavement des zones rurales. Leur activité relancée,
sur le plan touristique, a permis de freiner l’exode rural qu’observait le pays
depuis quelques années. La venue de plus en plus importante de touristes dans
les villages a favorisé une meilleure alimentation en eau et en énergie ainsi
qu’un accès par des routes praticables. (De plus en plus de touristes
recherchent la tranquillité et choisissent de quitter les grandes villes pour
des villages plus retirés ou ils pourront par exemple construire des riads.)
Cependant,
les zones les plus retirées sont toujours victimes de leur isolement.
Photo 13: un village excentré dans les monts Atlas
Photo 14: un village isolé marocain
.
.
.
.
.
La venue de touristes au Maroc a donc
permis au pays de se développer. L’offre d’emplois plus importante, la
multiplication des universités et des étudiants, les nouveaux débouchés
scolaires, l’évolution de la condition de la femme et le désenclavement des
zones rurales… Le tourisme a apporté de nombreux avantages qui ont permis au
pays de se moderniser.
Conclusion :
Le tourisme a donc eu des impacts
contrastés sur la société marocaine.
A l’origine de grandes avancés comme la
multiplication des emplois et des étudiants, la plus grande liberté des femmes
ou encore le désenclavement des zones rurales, il est aussi responsable de la
folklorisation des traditions locales, de la surpopulation des bidonvilles, du
tourisme sexuel, du travail des enfants…
Pour
lutter contre ces aspects négatifs du tourisme, le Maroc et ses pays
partenaires devraient multiplier leurs efforts et créer plus d’associations
humanitaires et de campagnes publicitaires afin de mieux sensibiliser les
touristes et les populations locales. Une meilleure coopération entre les Etats
à ce niveau là mais aussi au niveau juridique, permettrait au Maroc de faire du
tourisme un facteur de développement social plus sain.